Cour de cassation - Chambre civile 1 - 03 Avril 2007
Décision attaquée : Cour d’appel de Paris, 22 Mars 2006
"Attendu que dans un ouvrage publié en septembre 2002 par la société Presses universitaires de France et intitulé “Sectes, démocratie et mondialisation” rédigé par Mme Fournier, chargée de mission à la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS) et Mme Picard, alors députée de l’Eure, l’association Ancien et mystique ordre de la rose croix (AMORC), qui se présente comme un mouvement philosophique, initiatique et traditionnel, non sectaire et non religieux, apolitique et ouvert aux hommes et aux femmes sans distinction de race, de religion et de position sociale, était citée à plusieurs reprises dans l’ouvrage aux côtés d’autres entreprises sectaires dont l’action était dénoncée ; qu’il lui était imputé d’être une structure mafieuse au mode de fonctionnement comparable à celui de la grande criminalité organisée, de faire partie avec d’autres mouvements, d’une organisation occulte dont l’objectif ne serait pas de soutenir les futures démocraties en Afrique mais de développer des intérêts personnels et de soutenir des théories racistes et attentatoires aux libertés ; qu’il aurait été insinué qu’un grand maître de l’association AMORC aurait joué un rôle important dans l’affaire de l’Ordre du temple solaire (OTS) et n’aurait été épargné par l’enquête judiciaire qu’en raison de la “forme de protection” dont bénéficierait l’association du fait de ses liens solides avec les réseaux africains des grands présidents français ; qu’estimant que de tels propos étaient diffamatoires, l’association AMORC a assigné les auteurs et l’éditeur du livre en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que pour rejeter cette demande, la cour d’appel a énoncé, concernant les propos précités de l’ouvrage, que, fort éloignés des autres passages poursuivis, ils ne citaient l’association AMORC pas plus que d’autres mouvements sectaires mais exprimaient des généralités sur la nature et le fonctionnement des sectes et que s’agissant d’une opinion d’ordre général, il était prétendu à tort que ces passages étaient diffamatoires ;
Qu’en statuant ainsi, quand les propos rapportés assimilant les sectes à “des groupes totalitaires”, au “nazisme” ou au “stalinisme” et leur imputant “d’extorquer” l’adhésion de leurs adeptes, sur lesquels elles exercent des moyens de pression de nature à leur faire perdre tout libre arbitre ainsi qu’à “des zones de non droit” et les comparant à “la mafia” étant susceptibles de preuve et d’un débat contradictoire, sont diffamatoires à l’égard de l’ensemble des mouvements qualifiés de sectes et par conséquent de l’association AMORC dès lors qu’il résulte de l’ouvrage incriminé qu’elle en est une, la cour d’appel a violé les textes susvisés;
[...)
PAR CES MOTIFS:
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 22 mars 2006, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant le dit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée;"
N° 06-15.226
Association Ordre de la Rose Croix contre Mme Fournier, Madame Picard, SA Presses Universitaires de France
ADFI (documents originaux) - Page 5
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Catherine Picard : les propos étaient bien diffamatoires selon la Cour de Cassation
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Irrecevabilité de l'UNADFI dans l'affaire de l'OTS
L'UNADFI est régulièrement rejetée comme partie civile.
Ce fut le cas une nouvelle fois le 20 décembre 2006 dans l'affaire de l'OTS
Voir les pages 1 et 70 du texte original
d) L’UNADFI
La recevabilité de la constitution de partie civile de 1’UNADFI est contestée.
Celle association ne se prévaut pas d’un préjudice personnel,
Elle ne se prévaut plus comme devant le juge d’instruction des dispositions de l’article 2-2 du code de procédure pénale qui supposent l’accord d’au moins une victime directe, ce qui n’est plus le cas.
Elle entend exercer l’action sur le fondement de l’article 2-17 du code de procédure pénale qui permet aux associations reconnues d’utilité publique, régulièrement déclarées depuis plus de cinq ans au moins à la date des faits et se proposant par leurs statuts de défendre et d’assister l’individu ou de défendre les droits et libertés individuels et collectifs, d’exercer les droits reconnus à la partie civile, à l’occasion d’actes commis dans le cadre d’un mouvement ou organisation ayant pour but ou pour effet de créer, maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique, en ce qui concerne diverses infractions contre les personnes ou les biens limitativement énumérées.
Cependant, que ce soit dans sa rédaction actuelle ou dans la rédaction applicable lors des débats en première instance, date à laquelle il faut se placer, par application des dispositions combinées des articles 421, 509 et 515 du code de procédure pénale pour apprécier la recevabilité de cette constitution, l’article 2-17 ne vise pas l’association de malfaiteurs dans la liste limitative des infractions permettant la constitution d’une telle association.
Cette constitution doit être déclarée irrecevable.
- Page 70 - -
Janine Tavernier : Je dénonce !
Janine Tavernier, ancienne présidente charismatique et emblématique de l'UNADFI, dénonce les dérives de la "chasse aux sectes".
Paru dans l'ouvrage de Serge Toussaint, Sectes sur ordonnance* (mai 2006), la préface de Janine Tavernier, présidente de l'UNADFI de 1993 à 2001
PRÉFACE
Si j'ai accepté de préfacer ce livre écrit par Serge Toussaint, Grand Maître de l'Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix, c'est parce que sa réaction face à l'injustice dont l'A.M.O.R.C. est victime me permet de m'exprimer sur ce qui fut l'une de mes préoccupations essentielles durant mon mandat de présidente de l'U.N.A.D.F.I., à savoir ne pas attribuer le qualificatif " secte " à tort et à travers, ou à tout organisme qui sort de la " pensée unique "...
À partir de la fin des années 70, on assista à la création de nombreux groupes " new age ", pseudo-religieux, religieux, etc. Très vite, l'U.N.À.D.F.I.** pressentit que certains de ces groupes, sous des appellations trompeuses et derrière des masques rassurants, pouvaient être dangereux et piéger des personnes en quête d'une certaine spiritualité ou d'un certain bien-être : église, temple, culte, cénacle, fondation, communauté, famille, fraternité, etc.
Si l'U.NA.D.F.I. alerta différentes instances et personnalités sur ces groupes, elle précisa néanmoins que s'il y avait parmi eux des sectes destructrices, dossiers et preuves à l'appui, il y avait aussi des mouvements n'ayant rien de sectaire, même si, parfois, il y avait des dérapages, comme dans tout groupe humain. Cette précision n'a pas été retenue ; il était plus facile de mettre la même étiquette sur ces nouvelles structures, à savoir " Nouveaux Mouvements Religieux " (NM.R.). En procédant ainsi, on a laissé supposer que tous les Nouveaux Mouvements Religieux étaient des sectes, ce qui n'est absolument pas le cas. Par manque de rigueur, on en est donc venu à confondre des groupes inoffensifs avec d'autres qui présentaient un réel danger et se livraient à du prosélytisme pour recruter de nouveaux adeptes. Ce flou, cette imprécision, font qu'aujourd'hui on est plongé dans la confusion la plus totale.
Les choses étant ce qu'elles sont, certains voient des sectes partout.
Dans les statuts de cette entreprise, il y a le mot "holistique"... Attention ! ! !
Cette personne prend des granules homéopathiques... Méfiance
Ce professeur de Yoga parle de chakras... Danger !!!
Ce psychologue certifié est spiritualiste... Prudence !!! etc.
J'ai toujours été sensible aux risques de dérapage que les A.D.F.I. elles-mêmes auraient pu commettre. C'est pourquoi je leur rappelais régulièrement les buts auxquels j'étais particulièrement attachée : "Nous, Associations A.D.F.I., dans le droit fil des Droits de l'Homme, respectueux de toute liberté (la liberté de pensée, la liberté de croire ou de ne pas croire ou de croire autrement, la liberté d'association, la liberté d'expression) quand nous qualifions de "secte" un groupe quelconque, nous ne tenons pas compte des idéologies, des doctrines, des croyances, des religions, des églises. Nous ne considérons que les agissements et les comportements qui portent gravement atteinte à la liberté ou à la dignité de la personne humaine. En un mot, le seul critère que nous retenons est celui de la nocivité, de la dangerosité : de la violation des Droits de l'Homme". (Bulletin BULLES 23 / 1989).
Dans l'Éditorial du bulletin BULLES n° 69 / Premier trimestre 2001, à l'occasion des 25 ans des A.D.F.I., j'écrivais ceci :
"... Nous le répétons à loisir : nous ne jugeons pas les doctrines ou les idéologies véhiculées par les groupes, nous refusons d'entrer dans les discussions "théologiques". En revanche, ce qui nous mobilise, ce sont les faits... Pourtant, parce que nous sommes des hommes et des femmes avec nos convictions, nos croyances, nos philosophies les plus diverses - ce qui, soulignons-le à nouveau, fait notre richesse - nous pourrions être tentés de juger les groupes à l'aune de nos propres références morales, religieuses et philosophiques. Se laisser aller dans cette voie serait périlleux à bien des égards ".
L'on constate que l'homme a toujours été à la recherche de spiritualité, de transcendance. C'est pourquoi j'ai été choquée un jour lorsque j'ai entendu une personne très impliquée dans la lutte contre les sectes dire avec beaucoup de conviction : "Il faut éradiquer l'idée de Dieu". J'en suis restée interloquée, sans voix. En quoi une quête religieuse, spirituelle ou philosophique, est-elle systématiquement condamnable ? En quoi est-elle nécessairement "sectaire" ? Que de groupes alors il faudrait mettre à l'index... Assurément, on assiste depuis quelque temps en France à une dérive qui met en danger la liberté de croyance, ce que je condamne.
C'est pour rester fidèle à moi-même, à mes convictions, refusant le silence et la lâcheté, que j'ai accepté de m'associer à ce livre qui dénonce l'injustice dont l'A.M.O.R.C. a été victime en ayant été classé comme sectes. Les explications de l'auteur, son érudition, permettent de mieux connaître et comprendre les racines de cet Ordre, son évolution, son enseignement, sa philosophie. A l'évidence, il n'a rien d'un Nouveau Mouvement Religieux, et encore moins d'une secte. Mais il a suffi qu'une commission parlementaire, ou plutôt quelques députés d'une commission, le mettent à l'index dans un rapport, pour que l'opprobre, relayé par l'emballement médiatique, devienne une condamnation publique.
Toutes les personnalités politiques et autres que j'ai rencontrées lorsque j'étais militante puis présidente de l'U.N.A.D.FI., de même que tous les journalistes, savent bien que je n'ai jamais été complaisante à l'égard des sectes avérées, car je sais le danger qu'elles représentent pour l'individu, la famille et la société elle-même. Mais il est temps que la France se ressaisisse dans la lutte qu'il faut mener contre de tels groupes, car sous prétexte de cette lutte légitime, certains combattent les croyances religieuses, spirituelles et philosophiques. L'injustice subie par l'A.M.O.R.C. est selon moi un parfait exemple de cette dérive.
Depuis quelque temps, on parle beaucoup de la laïcité en France, peut-être même trop, car la grande majorité des citoyens de ce pays la tiennent pour un acquis définitif. Il ne faudrait donc pas que ce principe essentiel de laïcité, pour des raisons plus idéologiques que républicaines, devienne le fondement d'un intégrisme tout aussi dangereux que l'intégrisme religieux. Là encore, je pense que ce livre met bien ce danger en évidence. Veillons donc à ce que la lutte contre les sectes ne devienne pas elle-même un vecteur de sectarisme !
Enfin, pour terminer, j'en appelle à une réhabilitation officielle de l'A.M.O.R.C., souhaitée d'ailleurs par Jacques Guyard lui-même, président de la commission parlementaire de 1999. Chacun sait que " l'erreur est humaine ". A la lumière de ce livre, que ceux et celles qui ont le pouvoir de réhabiliter les Rose-Croix le fassent, ne serait-ce qu'au nom de l'article 1 de la Constitution de la République Française : " La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ".
Janine Tavernier
Chevalier de la légion d'honneur
Membre de l'U.N.A.D.F.I. dès 1984
* Disponible en ligne sur www.amorc.fr. Présentation de l'éditeur :